Les oiseaux et autres nouvelles – Daphné du Maurier

lesoiseauxdaphnedumaurier

The Birds and Other Stories

Editions : Livre de poche

ISBN : 978-2253099963

445 pages

Recueil de nouvelles, Les Oiseaux  met en scène différents milieux sociaux à la croisée des genres fantastique, policier, surnaturel… mais toujours pour mieux surprendre le lecteur en le terrifiant par une étrangeté issue du quotidien. Pour Henry James, et c’est aussi le cas dans ce recueil de la romancière, « les mystères les plus mystérieux [qui] sont à notre porte ». Chaque nouvelle s’ouvre sur un quotidien banal, minutieusement décrit pour s’enrayer aussitôt : dans « Mobile inconnu », Mary Farren se donne subitement la mort. Quel mobile est à l’origine de ce geste de cette femme à qui tout souriait ? Elle a fait un mariage au-dessus de sa condition, elle attend un enfant… Son mari engage un privé pour enquêter sur le passé de sa femme. La construction diabolique de cette nouvelle est digne des romans policiers victoriens !

 

Je n’avais jamais rien lu de Daphné du Maurier, tout en ignorant pas qu’elle a marqué son époque ainsi que la littérature au sens global. Rebecca est certes sur ma liste à lire, mais la seule chose que je connaissais d’elle, au sens large, était l’adaptation des Oiseaux par Hitchcock, film qui m’a profondément marqué lorsque j’étais jeune. C’est pourquoi je voulais lire la nouvelle qui l’avait inspiré, et j’ai lu les autres dans la foulée. A noter d’ailleurs que le titre d’origine mettait en lumière une autre nouvelle : la première du recueil, intitulée Le Pommier, et que la réédition a changé de nom, pour surfer sur la vague hitchcockienne. Et je dois dire que les Oiseaux est peut-être celle qui m’a laissé le plus indifférente.
 
Deux grandes thématiques se démarquent de ces nouvelles : le traumatisme des anglais par les attaques aériennes de la Seconde Guerre Mondiale, illustré par Les Oiseaux et Encore un baiser. Il est par ailleurs notable et dommage que le film aie perdu une part de son impact et la totalité de la symbolique en déplaçant l’action des Cornouailles vers la Californie.
 
Les autres nous parlent de la place des femmes en ce début de XXème siècle, entre charge mentale et indifférence conjugale dans Le Pommier, Une Seconde d’éternité, peut-être un peu prévisible (est-ce parce que d’autres s’en sont inspirés par la suite ? Parce que le ressort de l’intrigue est désormais éculé ?), où la narratrice place tous ses espoirs dans sa parfaite (?) fille de 7 ans, et Mobile inconnu, Intrigue policière sur le suicide d’une jeune femme, fraîchement mariée et enceinte de son époux dont elle est amoureuse (et réciproquement), écrasée par un secret qu’elle avait enfoui et le poids du qu’en dira-t’on ? et nous laisse imaginer la problématique du consentement dans les années 50 ainsi que l’hypocrisie de la religion par rapport aux femmes.
Elle nous a raconté que son père lui avait dit que c’était la plus grande disgrâce qui pouvait arriver à une fille, et elle n’y comprenait rien, disait-elle, parce que son père était pasteur et qu’il faisait toujours des sermons comme quoi ce qui était arrivé à la Vierge Marie était la plus belle chose du monde.
Le Petit Photographe, lui, nous dépeint une femme d’une autre trempe, contrairement aux autres, auxquelles on peut s’identifier, même si, comme les autres héroïnes, elle est victime de son époque et de son milieu. Une marquise magnifique, oisive et narcissique s’ennuie en vacances et décide d’avoir une aventure avec un petit photographe local qui s’avère encombrant. Pour s’en débarrasser, elle use de stratagèmes vicieux, tel le plus beau des pervers narcissiques. Difficile ici de lui trouver des excuses, elle semble avoir choisi elle-même son enfer personnel, contrairement aux autres. Mais heureusement qu’elle est belle, pense-t’elle.
Ces nouvelles nous dépeignent également plusieurs variantes de troubles mentaux, du stress post-traumatique, à la paranoïa en passant par les troubles obsessionnels compulsifs et l’histrionisme.
Le Vieux, lui, nous témoigne d’une famille étrange qui vit de l’autre côté du lac. Les parents s’aiment, et aimeraient bien revenir à leur vie sans enfants. Les placer ailleurs, en ville, semble une bonne solution. Il s’agit là d’une nouvelle à chute très efficace, j’en ai encore mal au coccyx d’ailleurs.

Les Oiseaux et autres nouvelles explorent la diversité des sentiments humains en 7 nouvelles efficaces, tous les personnages ne sont pas aimables, et même les personnages détestables (Madame la Marquise, c’est vous que je regarde !) ne le sont pas complètement, ils sont humains, mus par le désespoir et une plume résolument moderne. Les thématiques sont toujours d’actualité, d’ailleurs maintenant que la charge mentale fait partie des combats féministes, il est fascinant de voir que le sujet avait déjà été abordé (et complètement ignoré, la faute à la subtilité du propos ? Au narrateur masculin ?) au début des années 50, au moment ou la ménagère était mise en avant dans toutes les publicités, gardienne du Saint Foyer. Le suspens est parfaitement maitrisé (sauf peut-être pour la Seconde d’éternité, mais cette nouvelle a dû avoir énormément d’impact lors de sa parution, alors que maintenant, la conclusion fait un peu pétard mouillé), qu’il s’agisse du registre fantastique ou non.

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